Pensez-vous, comme laffirme
René Guénon, quil existe une tradition
initiatique primordiale ?
Je ne le pense pas, en tous cas si lon appelle «
tradition primordiale » un enseignement initiatique
qui se serait perpétué inchangé au fil
du temps. La Connaissance initiatique nest pas quelque
chose de figé. Je considère plutôt que
la lumière va croissant et que lenseignement
initiatique sest enrichi au fil des siècles de
nouvelles connaissances.
Disons quil y a eu au départ une base de Connaissances
déjà assez importantes, mais quà
partir de là, de nouvelles connaissances sont apparues
au fil du temps. Je précise : ces ajouts nont
pas été inventés par les hommes, mais
recueillis «den haut » au fur et à
mesure quils étaient prêts à les
recevoir.
Pour rester toujours dans la pensée
de Guénon, pensez-vous qu'il y ait des société
initiatiques et d'autres contre-initiatiques ?
Je ne partage pas entièrement
la vision de Guénon dans ce domaine.
Je pense que le problème de la
fausse initiation se pose surtout à un niveau individuel.
Les faux initiés sont ceux qui se déguisent
en initiés, font semblant de tenir un discours d’initié,
alors qu’en réalité ils n’éprouvent
aucun intérêt pour la démarche initiatique
et ne sont là que par ambition personnelle. Mais
on peut rencontrer des faux initiés dans la plupart
des ordres initiatiques, même les plus authentiques.
Toutefois, il ne faut pas jeter le bébé
avec l’eau du bain. S’il y a parfois de faux
initiés ce n’est pas une raison pour rejeter
le monde initiatique. L’idéal maçonnique
en particulier est noble et pur car la franc-maçonnerie,
quel que soit son rite, est au service de l’humanité
: il s’agit de bâtir le Temple intérieur,
autrement dit de développer les qualités spirituelles
de l’adepte, et ensuite le Temple extérieur,
c’est-à-dire une société idéale.
Cet idéal restera toujours celui
d’une majorité de francs-maçons et cela
même s’il y a parfois quelques brebis galeuses
!
Au sein même de la franc-maçonnerie,
y a-t-il selon vous des organisations maçonniques
"régulières" et d'autres "irrégulières"
?
A l’heure actuelle, les notions de maçons réguliers
et irréguliers n’ont plus guère cours.
Historiquement seraient régulières uniquement
les obédiences reconnues par la Grande Loge Unie
d’Angleterre (une seule obédience en France,
la GLNF, jouit d’une telle reconnaissance). Mais au
nom de quelle autorité spirituelle aurait-on le pouvoir
de décider « d’excommunier » certains
frères ?
En réalité, rares sont les organisations initiatiques
qui possèdent une réelle filiation, c’est-à-dire
qui s’inscrivent dans le cadre d’une chaîne
temporelle avec une transmission attestée par des
documents. En maçonnerie, c’est le cas peut-être
des loges descendants en ligne directe de la maçonnerie
anglaise. Mais cela n’enlève rien à
la valeur des travaux effectués par les autres obédiences.
Pour moi, un groupe de maçons devient régulier
par la qualité de ses travaux et l’authenticité
de son idéal. Et cela aucune chartre ou patente ne
peut le lui transmettre.
Si nous devons parler de « régularité
», il s’agit plus en fait d’une régularité
spirituelle que matérielle. Car de toutes manières,
et c’est là un point très important,
les filiations que l’on nous présente, ne concernent
que l’aspect matériel de la franc-maçonnerie
et non son côté spirituel.
Pouvez-vous préciser
ce point ?
Au sein des premières loges de francs-maçons
qui se réunissaient à Londres dans des tavernes,
il n’y avait pas d’enseignement métaphysique.
Ce n’est qu’au fil du temps, en acceptant en
son sein des hermétistes que la maçonnerie
a recueilli un contenu initiatique spiritualiste, contenu
je le répète, qui était absent au départ.
En somme, la franc-maçonnerie
a fourni à cet enseignement un véhicule matériel
pour lui permettre de se manifester. Mais la connaissance
initiatique dont la maçonnerie a été
alors dépositaire, lui est bien antérieure.
Il serait donc plus intéressant de poser le problème
du point de vue de la filiation spirituelle.
D'où la question à laquelle
je voudrais en venir : A quelle filiation spirituelle se
rattache l'Ordre Maçonnique Hermétique ?
Je préciserai tout d’abord que la véritable
filiation spirituelle ne repose pas sur une liaison horizontale
avec un groupe donné qui perpétuerait ainsi
son message au fil des temps.
Il ressort de l’examen des textes
hermétiques que la transmission initiatique n’est
pas horizontale mais verticale. Autrement dit, un groupe
d’occultistes se qualifie par sa pureté et
par ses intentions nobles. A ce moment là, les portes
des plans supérieurs s’ouvrent et les Maîtres
Cosmiques transmettent à ce groupe leur influence
spirituelle. Ce point est très important notamment
si le groupe se livre à des travaux de théurgie.
Mais votre Ordre
n'est quand même pas apparu spontanément à
partir de rien. Dans quelles circonstances l'Ordre Maçonnique
Hermétique a-t-il été formé
et à partir de quoi ?
Serge Hutin a toujours été
très intéressé par la philosophie Egyptienne.
Il avait atteint les hauts grades au sein du Rite Ecossais,
mais son but était de créer une Loge pratiquant
le Rite Egyptien et un Rite le plus proche possible de celui
pratiqué par Cagliostro. Pour ma part, j’avais
déjà eu une expérience de la maçonnerie
égyptienne à travers le Grand Sanctuaire Adriatique,
qui m’avait beaucoup apporté.
Aussi, à l’aide de 5 autres
maçons qui étaient membres de l’association
ALPHA, nous avons donc créé une Loge Egyptienne
à Montpellier. Nous étions donc 7 maîtres
maçons au départ, chiffre adéquat,
nous dit la tradition, pour rendre une loge « parfaite
».
Le Rite Egyptien que nous pratiquons
nous a donc été remis par Serge Hutin. En
même temps il me remit le manuscrit du Manuel du Franc-Maçon,
sorte de cours de symbolique maçonnique rédigé
par Serge à l’intention des membres appelés
à fréquenter la Loge.
Je tiens à préciser toutefois
que, de l’aveu même de Serge, le Rite que nous
pratiquons n’est pas exactement le même que
celui pratiqué au tout début de la Maçonnerie
Egyptienne. C’est une adaptation. En effet, le Rite
« originel » était adapté à
un contexte socioculturel particulier, celui du 18ème
siècle. Aujourd'hui, pratiqué tel quel, il
paraîtrait poussiéreux et perdrait ainsi de
son efficacité.
Un Rite initiatique agit en induisant
chez les participants certains états de conscience.
Si le Rite n’est plus adapté à l’époque,
l’impact sur le psychisme n’est plus du tout
le même. D’où la nécessité
parfois d’adapter un Rituel, tout en restant fidèle
à son esprit bien évidemment.